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Pendant l’exercice de mon mandat en tant que Rapporteur Spécial des Nations Unies sur les Droits des Peuples Autochtones depuis 2014, j’ai reçu de nombreux rapports et entendu des témoignages d’individus, de communautés et d’organisations autochtones sur la façon dont eux et leurs organisations ont été diffamés et faussement accusés de crimes qu’ils n’ont pas commis. Ensuite, certains d’entre eux sont tués, emprisonnés ou contraints de quitter leur pays pour chercher protection.

UNSR smallComme résultat de ces développements, j’ai réalisé une étude thématique sur les attaques et la criminalisation des défenseurs des droits autochtones (A/HRC/39/17) que j’ai présentée devant le Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies en septembre 2018. Ce rapport a décrit les lois juridiques internationales qui protègent les droits des peuples autochtones à leurs terres, territoires et ressources, à la vie et à la liberté d’association. Il a également décrit les processus par lesquels les peuples autochtones sont criminalisés et les recommandations aux États sur la manière de résoudre ce problème.

J’ai tenu plusieurs réunions avec des dirigeants et militants autochtones sur la question de la criminalisation et de l’impunité avant et après la rédaction de ce rapport. Une recommandation clé qui en est découlée est la nécessité d’entreprendre une initiative mondiale pour lutter contre la criminalisation et l’impunité contre les peuples autochtones et les prévenir. Cela ne sera pas fait pendant mon mandat en tant que Rapporteur Spécial, car celui-ci prend fin le 30 mai 2020. Il s’agit d’une initiative indépendante de Joan Carling, ancienne membre de la Tribune (Instance) Permanente des Nations Unies sur les Questions Autochtones et Bénéficiaire du Prix de Défenseur de l’Environnement du PNUE en 2018. C’est l’une des façons dont nous poursuivrons notre engagement continu de lutter et de protéger les droits des peuples autochtones. L’initiative vise à prévenir, répondre et réduire les actes de criminalisation et d’impunité contre les peuples autochtones et à offrir une meilleure protection et un meilleur accès à la justice pour les victimes réelles et potentielles non seulement en tant qu’individus mais en tant que collectifs ou communautés. Elle sera entreprise par une nouvelle institution appelée Indigenous Peoples’ Rights International (IPRI) ‘‘Droits des Peuples Autochtones International.’’

Comme partie de cette initiative, nous avons recueilli des données préliminaires sur l’étendue de la criminalisation et de l’impunité contre les peuples autochtones pour la période 2017 à 2019. Ceci pour étayer davantage ce que j’ai décrit dans mon rapport comme étant une «crise mondiale» des attaques contre les défenseurs des droits humains environnementaux où une majorité d’entre eux sont membres de communautés autochtones. Les trois dernières années montrent une tendance alarmante à la persistance de la criminalisation et de l’impunité contre les peuples autochtones. Ces données disponibles ne sont juste q’une indication de l’iceberg de l’ampleur réelle de la crise. L’initiative visera à rassembler plus de données à ce sujet et des documents d’information seront rédigés pour refléter ce qui a été recueilli. Cela se fera conjointement avec les peuples autochtones au niveau des pays qui seront mobilisés pour générer et rendre plus visibles les situations dans leurs pays.

Sur base des informations en ligne et de rapports issus des organisations autochtones nationales et de leurs alliés de la communauté internationale, 2019 a vu 190 peuples autochtones de 17 pays qui ont été ciblés en raison de leurs efforts de défense de leurs terres et territoires. Soixante-six (66) pourcent de ces cas étaient des meurtres. Un (1) sur 18 de ces meurtres a été documenté comme ayant initialement commencé par des menaces et des intimidations, qui comprennent des tirs aveugles et des fouilles illégales de maisons et de bureaux. Par rapport aux données de 2018, avec seulement 11 pays couverts, 95% des incidents étaient des détentions arbitraires, qui incluent des incidents d’emprisonnement sans procédure régulière. La Colombie avait le nombre le plus élevé avec 9422 personnes détenues; cela représente environ 1% de la population totale de ses peuples autochtones. Les peuples autochtones de Colombie représentent 3,4% de la population nationale.

Joan Carling et moi n’avons pas été épargnées par de telles actions de criminalisation de la part du gouvernement Philippin. En 2018, nous avons été incluses dans une liste de plus de 600 «terroristes» présumés établie par le Ministère de la Justice du Gouvernement Philippin. Sur la base d’une requête judiciaire que nous avons déposée pour obtenir des précisions sur notre statut dans cette liste, le gouvernement a décidé de se débarrasser de la liste. Cependant, au début de l’année 2019, le Gouvernement a lancé ce qu’il appelle Whole of Nation Approach to End Local Communist Armed Conflicts (ELCAC), une Approche Nationale pour Mettre Fin aux Conflits Armés Communistes Locaux où ils m’ont de nouveau incluse dans leurs présentations PowerPoint en m’accusant en tant qu’infiltrée communiste des Nations Unies. Tout cela est fait malgré le fait que je bénéficie de l’immunité contre de telles attaques et accusations parce que je suis le Rapporteur Spécial des Nations Unies sur les Droits des Peuples Autochtones. Je nie totalement ces allégations et j’appelle le gouvernement à cesser de mener ces actions. Dans mon rapport sur la criminalisation, j’ai appelé à une tolérance zéro pour les actes de criminalisation et d’impunité contre les peuples autochtones de la part des États ainsi que des sociétés commerciales qui sont de connivence avec les États dans de tels actes. Je tiendrai le gouvernement responsable des mesures prises qui violent mes droits humains fondamentaux.

Nous procédons à un lancement doux de cette initiative à l’occasion du 10 décembre, Journée Internationale des Droits de l’Homme. Cependant, un lancement à grande échelle de celui-ci sera effectué en avril 2020 en conjonction avec la session de la Tribune Permanente des Nations Unies sur les Questions Autochtones. Le site Web de cette initiative est www.indigenousrightsinternational.org.

Nous travaillerons avec des dirigeants autochtones et des défenseurs des droits humains dans les différentes régions du monde, ainsi qu’avec d’autres organisations de défense des droits humains, telles que Global Witness, Amnesty International, Frontline Defenders, International Workgroup on Indigenous Affairs (IWGIA), entre autres. Nous travaillerons également avec le Haut-Commissariat aux Droits de l’Homme, les Rapporteurs Spéciaux et les Institutions Nationales des Droits de l’Homme.

Victoria Tauli-Corpuz

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